Zahia Rahmani
28 février 2008 de 18h30 à 29 février 2008 de 23h59
« Je cherche l’homme déplacé et ses espoirs. Je cherche à comprendre la misérable origine de l’infamie, les certitudes de mes voisins, la répétition de leur pauvreté, l’autorité de leurs convictions et de leurs mots. » (Z.R.)
L’atelier / conférence
Ouvert à tous. Zahia Rahmani proposera d’y traiter son rapport personnel à l’Amérique et à l’art moderne et contemporain, en relatant sa rencontre avec l’objet esthétique (peinture, photographie, cinéma, vidéo) comme outil d’éclairage des malentendus de l’Histoire. A partir d’œuvres artistiques montrées et d’extraits de films projetés, elle introduira les questions philosophiques et politiques de la spoliation et de l’(in)égalité – c’est-à-dire la dépossession mais aussi l’absence de terre et de patrie – en invitant les participants à s’interroger sur leur propre rapport à l’art et à la littérature dans leur construction sociale et identitaire, puis à échanger pour commencer à penser ensemble la question des (ré-)élaborations (inter)culturelles.
le film
Une heure de fresque animée qui dilate le temps de la narration pour nous conter les tribulations de l’émigration juive fuyant les pogroms de l’Empire russe dès 1881, et débarquant à New York, la tête pleine des vrilles festives de la musique klezmer et de mélopées religieuses incantatoires. En quelques années, les enfants de ces réprouvés, trimant seize heures par jour dans les « ateliers de la sueur », s’émancipent du carcan de la tradition yiddish et rencontrent l’âme d’autres esclaves à travers la musique des Noirs américains. De cette fusion naît une énergie neuve pour surmonter les rigueurs de leurs destins. Un « blues commun » déferle alors sur les bouges de l’East Side puis explose à Broadway dans une révolution joyeuse, sur le staccato d’un rythme de claquettes et dans le grain des voix noires et blanches. Dynamique impossible à canaliser, vent de panique sur les scènes de music-hall, percussions et rythmes déchaînés signent le triomphe sur un même sol de deux cultures étrangères qui, au lieu de se replier sur elles-mêmes et de se laisser figer dans la stigmatisation, fondent une nouvelle communauté et inventent une véritable culture populaire moderne qui donne un son au rêve américain. La richesse des archives se fond dans un montage tout en pulsations parfaitement adaptées au discours, et la force du propos invite à visiter et à repenser le « dialogue interculturel » dans une émotion jubilatoire.
Zahia Rahmani est née en Algérie en 1962. Sa famille émigre en France en 1967, où elle séjourne au camp de Saint-Maurice de l’Ardoise avant de s’installer dans l’Oise où elle grandit, « sauvée » par la littérature et la fascination pour la culture populaire américaine, la musique et le cinéma en particulier. Elle fait des études d’Histoire de l’Art et travaille dans plusieurs lieux d’art contemporain à New York, Nice et Paris. Elle a fait de sa biographie le matériau de son travail littéraire : ses cinq premières années en Kabylie, son père devenu harki, sa langue maternelle le berbère, son éducation en France, la question religieuse, l’apprentissage de l’art, ont donné lieu à trois livres très remarqués : Moze en 2003 (où elle revient sur les origines du suicide de son père survenu en 1991), Musulman, roman en 2005, et France, récit d’une enfance en 2007, triptyque publié aux Editions Sabine Wespieser. Elle signe également en 2003 une pièce de théâtre, Ma langue ne veut pas mourir. Eprise de philosophie et de littérature contemporaine (elle collabore à une chronique sur France Culture), citant volontiers Primo Levi, Elias Canetti, Jacques Derrida ou John Maxwell Coetzee, elle dirige actuellement un programme de recherche sur l’art contemporain dans la mondialisation à l’Institut National d’Histoire de l’Art et publie de nombreux articles dans diverses revues.