Présentation du stage “Passe la Balle !”
Passe la balle !
Dessine au but !
Voilà en deux interjections comment nous pourrions qualifier le travail collaboratif qui a uni le temps d’une semaine 12 adolescent·es, l’illustrateur Loïc Froissart et l’équipe de Peuple et Culture Marseille.
Passe la balle !
Le premier de ces slogans témoigne de l’énergie qui a traversé le groupe une semaine durant: un moment d’échange et de solidarité propre au sport, collectif ou non ! Autour de la thématique, du football notamment, les adolescents ont pu expérimenter différentes formes de création qui visaient à mettre en avant les ressorts émotionnels, esthétiques et narratifs propres au sport ainsi qu’aux discussions qui en découlent. Entre eux, ils ont pu échanger, dans un contexte particulièrement propice, un mois avant les Jeux Olympiques et au cœur de l’Euro de football 2024, sur leurs ressentis au lendemain des matchs, les équipes qu’ils ont supporté, leur manque de mots face à la défaite des Bleus ou encore leur empathie avec les joueurs des équipes éliminées de la compétition.
Dessine au but !
Le second slogan, quant à lui, est le fruit d’une réflexion commune : il est la devise de l’équipe fictive Frappe mondiale qu’ils ont créée et dont ils ont imaginé les joueurs et les maillots. Fruit d’un moment de partage, voire de débat, ces trois mots retranscrivent à merveille la possibilité de voir le sport et la création artistique s’entremêler : le premier est un socle pour le second : le sport ouvre des mondes imaginaires que l’on peut travailler. Ainsi, dans Frappe mondiale, un joueur a une tête de lapin tandis que des athlètes de 12 ans font équipe avec des joueurs adultes. Plus encore, le caractère métaphorique, immatériel de la formule témoigne d’un rapport au sport axé sur les valeurs et le narratif : il n’est plus une simple performance sportive mais une histoire complexe à écrire et à raconter au sein de laquelle tous les profils sont inclus.
Ce bilan vise donc à témoigner d’une semaine de création artistique et de visites culturelles autour des liens entre sport et art organisé du 8 au 12 juillet 2024 à La Compagnie et dans les ateliers du FRAC Sud.
Les participants :
12 enfants âgés de 9 à 14 ans ont participé à ces 5 journées de stage entre écriture, illustration et visites culturelles. Le groupe était constitué d’adolescent·es des quartiers du centre-ville de Marseille, dont certain·es avaient déjà participé à nos ateliers d’éducation aux médias en février et en avril de cette année 2024, d’autres au stage “La flamme” l’été 2023, tandis que certain·es découvraient notre association.
Déroulé du stage :
– 5 ateliers de créations graphiques avec Loïc Froissart (chaque matinée, de 10 heures à midi).
– Des atelier de cohésion de groupe, création d’une équipe fictive : nom de l’équipe, logo, devise et atelier de peinture textile (création d’un maillot pour chaque jeune)
– Une après-midi au Livrodrome, parc d’attraction littéraire pour les adolescents.
– Une visite de l’exposition du FRAC Sud “Des exploits, des chefs d’œuvres”.
– Une projection du film Le passager de Abbas Kiarostami au Vidéodrome 2
– Une restitution de la semaine de stage avec les familles, sous la forme d’un accrochage des productions réalisées durant la semaine, dans l’atelier du FRAC, en présence de l’équipe du FRAC et de Loïc Froissart.
Raconter le match de football avec Loïc Froissart
Une illustration est-elle un dessin ? Le stage s’est ouvert par un échange autour de l’illustration, animé par l’illustrateur Loïc Froissart. Ce dernier a présenté quelques-uns de ses ouvrages aux enfants, qui ont suscité moultes commentaires et questions de la part des enfants, curieux à propos du métier d’illustrateur.
Toutefois, la question qui a occupé les enfants chaque matin fut : comment raconter un match de football ? Comment aborder ce phénomène à travers le récit ?
Pour commencer, l’illustrateur a proposé un échauffement par une “gymnastique” du dessin. Les enfants ont été invités à personnifier leurs traits en traçant des lignes tristes, joyeuses ou rapides. Les enfants ont, par la suite, réalisé par découpages leur autoportrait, réel ou fictif, de joueur·euse.
Durant un autre atelier, ils ont visionné les tirs au but du quart de finale de l’Euro entre la France et le Portugal et se sont imaginés être à la place des tireurs : à quoi pense un joueur de foot qui s’apprête à tirer ? Les enfants ont ainsi imaginé les pensées et les sentiments des joueurs avant de les schématiser sur leurs productions.
Le lendemain, ils ont pris la plume pour partager un de leurs meilleurs souvenirs liés au match de football : pour certains, ce fut ce stage, pour d’autres, des récits liés à des moments en famille ou entre amis. Ils ont échangé leurs plumes pour les crayons pour dessiner les joueurs et joueuses de leur équipe de football à travers le jeu du cadavre exquis. Ils ont repris la plume et endossé le rôle du commentateur sportif en imaginant ce qui aurait pu se produire si le match de la demi-finale de l’Euro avait duré une minute de plus : bataille de gazon, un nez cassé pour l’arbitre, un carton rouge, un crocodile fait irruption sur le terrain.. Pour conclure la semaine, ils ont créé leurs drapeaux et slogans de supporters afin de soutenir leur équipe : “Hakim on t’aime”, ou encore “Frappe Mondiale, le monde vous soutient” avant de participer à une “Bataille de supporters” au cours de laquelle deux équipes ont dû remplir un maximum de tribunes en composant par du collage des silhouettes. Stratégie et coopération furent de rigueur.
Le sport illustré, mais pas que…
Comment inverser la narration sportive ? Comment faire en sorte que le sport devienne un support thématique qui ne soit plus le vecteur émotionnel mais, qu’au contraire, la manière dont on le représente ou le symbolise soit au cœur du processus créatif ? Le public du stage a pu se questionner à travers diverses expériences sur la question.
Les ateliers de cohésion du groupe, animés par l’équipe de Peuple et Culture Marseille :
L’atelier a commencé par un rapide trajet entre la Compagnie et l’Îlot Velten, afin que les adolescent·es puissent profiter du soleil et d’un espace de jeu accessible à tous. Une fois arrivés, nous avons fait une série de Lucky-luke, jeu qui a permis à chacun de poursuivre la mémorisation des prénoms commencée le matin. A la suite de cette reprise ludique, les enfants ont répondu à un test de personnalité. Reprenant les codes classiques des magazines people, nous avions préparé en amont de cette activité un livret contenant 10 questions pour lesquelles 8 réponses étaient possibles. Chaque réponse correspondait à une lettre. La lettre majoritairement obtenue correspondait à un numéro qui est celui que les enfants ont par la suite mis sur le maillot qu’ils ont réalisé. Aussi, ce temps a été l’occasion d’apprendre à se connaître puisque les questions portaient notamment sur les goûts des enfants en tant que public d’œuvres d’art. Ils ont dû choisir, par exemple, entre huit morceaux de musique de genres différents, entre huit personnages de fictions ou encore entre huit œuvres picturales d’époque et de lieux différents. Une fois ce jeu fait, retour à la Compagnie. Là, les enfants ont commencé à faire le dos du maillot de foot aux couleurs de leur choix : le numéro préalablement défini et leur nom ou surnom. Pour finir la journée, les jeunes du stage ont défini une devise pour leur équipe fictive (qui est une représentation de leur groupe) qui répondait à leurs attentes et en cohérence avec le thème de la semaine, puis un nom d’équipe. Enfin, Amana, l’une des aînées du groupe a proposé aux autres adolescent.e.s deux logos et ils ont choisi l’un d’entre eux pour faire le blason.
L’après-midi au Livrodrome :
Le mardi après-midi, nous nous sommes rendus au Livrodrome pour suivre un atelier d’écriture mené par l’écrivaine Anaïs Sautier. Il consistait à créer l’histoire d’un « boucan », un personnage de sa trilogie « Bande de boucans » qui traite d’une équipe de foot composée d’enfants issus du quartier de Belsunce. Ceci étant dit, la chaleur a nécessité que l’on écourte l’activité, que les enfants ont malgré tout beaucoup apprécié. Ensuite, chaque enfant a pu choisir un livre parmi ceux proposés par les librairies présentes sur place, grâce à la dotation en chèques-livres reçue dans le cadre de Partir en livre, ainsi que ceux glanés par les enfants au cours des différentes activités du Livrodrome. Ces chèques livres ont majoritairement été utilisés pour acheter des livres d’Anaïs Sautier : preuve que l’atelier a porté ses fruits, et les livres choisis ont accompagné les jeunes tout au long de la semaine lors des pauses déjeuners notamment.
La visite du FRAC :
L’après-midi dédié à l’exposition « Des exploits, des chefs d’œuvres » s’est déroulée en deux temps. D’abord, Élodie, médiatrice culturelle au sein du musée a présenté l’exposition
aux enfants par des dispositifs ludiques de médiation. Dans un premier temps, ils ont dû mimer en groupe des œuvres de l’exposition pour les faire deviner. Dans un deuxième temps, la médiatrice a proposé une sorte de débat à l’anglaise, toujours en groupe, sur l’œuvre de leur choix. Un « attaquant » devait juger négativement l’œuvre tandis que le « défenseur » devait contre-argumenter afin de souligner le propos et l’intérêt de celle-ci. Enfin, un « supporter » devait résumer le propos de l’artiste par un slogan similaire à celui que l’on peut entendre dans les stades. Ces slogans ont été repris à la suite de la visite. Ainsi, une fois la visite finie, ils les ont calligraphiés sur une feuille A5 et illustrés à leur manière. Les trois slogans étaient :
« Non aux discriminations! »
« Vive l’égalité ! »
« Tout peut être une œuvre d’art. ».
La projection de « Le passager » au Vidéodrome 2 :
Le choix du film a rendu cette séance complexe. En effet, projeter à des adolescents aux pratiques culturelles inégales un film en noir et blanc sous-titré a clivé le groupe. Ceci étant-dit, au delà de l’appréciation individuelle de chacun, ils ont pu échanger sur différents points : les enjeux esthétiques du choix du noir et blanc ou du casting, mais aussi, et surtout, sur l’importance de la thématique pour apprécier une oeuvre. En effet, là où nous aurions pu penser que les enfants familiarisés avec le football préféreraient le film à ceux qui ne s’y intéressent pas, il n’en fût rien. Les choix esthétiques (noir et blanc, musique) et les enjeux scénaristiques ont primé sur le thème. Finalement, les enfants sont sortis de la séance avec en tête une conclusion qui résume bien l’esprit de cette semaine, à savoir, que le sport peut être un bon prétexte pour véhiculer des émotions et que la manière d’appréhender le sport peut évoluer selon la façon dont il est présenté.
L’exposition/restitution :
Le dernier après-midi, les enfants ont pu finir leurs maillots de football commencés le premier jour en peignant le devant : logo, devise et décorations. Ils ont ensuite travaillé en équipe afin de mettre en espace l’accrochage de toutes les créations :
- les cadavres exquis qui ont permis d’inventer les joueurs ;
- les productions de dessin et collage qui ont suivi la visite du FRAC, que nous avons appelé « fresques»;
- les suites fictives de France-Espagne;
- les autoportraits, auxquels étaient accrochés les maillots nominatifs ainsi qu’une bulle de bande dessinée racontant leur meilleur souvenir en lien avec le football et les portraits des joueurs de football légendés avec leurs émotions et pensées au moment de tirer un tir au but. Enfin, un groupe d’enfants a réalisé des cartels afin d’expliquer les démarches mises en place par le groupe. À 16h30, les jeunes ont accueilli leurs familles ainsi que l’équipe du FRAC, qui sont venus découvrir les (riches et nombreuses) productions réalisées par les enfants pendant la semaine, et rencontrer Loïc Froissart. Le vernissage s’est terminé autour d’un goûter proposé par l’association, agrémenté des pâtisseries emmenées par les familles pour un moment de convivialité.
Remerciements :
L’équipe de Peuple et Culture tient à remercier tout spécialement La Compagnie et le FRAC Sud pour leur chaleureux accueil durant ce stage, l’équipe de ces lieux ainsi que celle du Livrodrome (et Anaïs Sautier) et du Vidéodrome 2 pour l’animation des visites culturelles et, bien évidemment, Loïc Froissart et le festival BIM pour leur implication sans faille durant le stage !